Macron II : quelle politique industrielle pour les 5 prochaines années ?
Après sa réélection le 24 avril dernier, Emmanuel Macron doit attendre le résultat du 2nd tour des législatives, le 19 juin prochain, pour être assuré de disposer de la majorité qui lui permettra de mettre en œuvre son programme. Alors que l’hypothèse paraît hautement probable, zoom sur les mesures annoncées par le Président-Candidat et sur ce que pourraient donc être les principales orientations de la politique industrielle des prochaines années.
Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Le nouvel intitulé du nouveau portefeuille ministériel de Bruno Le Maire a l’ambition de concrétiser une priorité mise en avant par Emmanuel Macron durant sa campagne : la réindustrialisation du pays. Ce choix s’inscrit dans un contexte, celui d’une pandémie aux répercussions en chaîne, qui ont durablement marqué les acteurs industriels comme les pouvoirs publics. Les blocages d’approvisionnement liés à la crise ont mis en lumière les conséquences de la baisse continue de la part de l’industrie dans le PIB en France – 12,4 % dont 10 % pour l'industrie manufacturière, contre plus de 20 % en Allemagne. Alors même que la guerre en Ukraine semble partie pour s’inscrire dans la durée et que la Chine multiple les confinements suite à la résurgence du Covid, la réindustrialisation, aussi appelé le « made in France », s’impose plus que jamais comme une priorité aux yeux de l’opinion.
Réindustrialisation, baisse des impôts de production et planification
Mais comment atteindre cet objectif ? Le programme d’Emmanuel Macron déclinait cette ambition en trois axes. Le premier levier consiste à réduire les impôts de production pesant sur l’industrie et l’agriculture, notamment en supprimant pour toutes les entreprises la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Représentant quelque 7 milliards d'euros par an, celui-ci s’ajouterait aux 10 milliards d’euros de taxes de production déjà supprimées. Autre axe : réviser la politique d’achat de l’État, avec une priorité accordée à l’achat local – « plutôt que d’acheter toujours moins cher » – pour développer l’innovation et les filières françaises. Le dernier levier concerne la poursuite du soutien à des projets majeurs pour l’avenir : mini-lanceurs spatiaux, biomédicaments, réacteurs nucléaires de troisièmes et quatrièmes générations, etc. Avec, à la clé, la relocalisation de la production de médicaments en France et le développement de 20 biomédicaments et biotechnologies (notamment contre les cancers) et des technologies nouvelles comme des exosquelettes.
Pour la mise en place de ces éléments, l’un des concepts clés de la campagne électorale, celui de planification, pourrait s’avérer déterminant, sur le plan environnemental comme industriel. Lors de la présentation de son programme, Emmanuel Macron déclarait ainsi en mars à Aubervilliers : « j'assume d'avoir une volonté de planification, qu'il s'agisse de la production d'énergie, comme du déploiement de nouvelles filières industrielles, et de décliner ensuite ces objectifs par territoire en laissant la liberté d'adaptation. Dans ce contexte-là, l'État aura à reprendre en main plusieurs aspects de la filière énergétique [...], nous aurons à reprendre le contrôle capitalistique de plusieurs secteurs industriels ».
France 2030
Afin de cerner la politique industrielle des prochaines années, il est également nécessaire de se tourner vers une série d’annonces faites en octobre 2021. Pas encore officiellement candidat, Emmanuel Macron a alors présenté le plan d’investissement France 2030. Objectif : réindustrialiser la France pour lui permettre de « redevenir une nation d’innovation ».
Évoquant 20 années de retard sur nos voisins européens, le Président a annoncé un plan d’investissement de 30 milliards d’euros sur cinq ans, destiné à augmenter la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir. Il a appelé à un investissement massif dans la stratégie d’innovation et d’industrialisation française. Parmi les priorités : le nucléaire. Un investissement d’un milliard d’euros est destiné au développement de technologies de rupture, et particulièrement les « petits réacteurs nucléaires ». La décarbonation de l’industrie passe également par la construction de deux gigafactories ou électrolyseurs, afin d’occuper une position de « leader de l’hydrogène vert ». Autres annonces : la production en France à l’horizon 2030 de près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides, ainsi qu’un investissement de près de 6 milliards d’euros pour « doubler » la production électronique française d’ici à 2030 et « sécuriser » son approvisionnement en puces.
Une approche nécessairement européenne
De telles ambitions ne pourraient rester circonscrite à un cadre franco-français : c’est au niveau européen qu’Emmanuel Macron a l’ambition de mener une partie de sa stratégie de souveraineté alimentaire et énergétique, notamment en termes de régulation des prix de l’énergie et de production agricole, comme de politique environnementale. Ainsi que l’explique le rapport du 19 janvier 2022 que le Parlement a consacré à la réindustrialisation : « la nouvelle approche de la politique industrielle par l’Union européenne, favorisée par les répercussions économiques de la crise sanitaire, peut favoriser la réindustrialisation de la France et la construction d’une souveraineté économique européenne ». Une réalité incontournable, que le Président europhile, qui assure la Présidence du Conseil de l'Union européenne jusqu'à la fin du mois de juin, tâchera de défendre auprès de ses partenaires européens.
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