Le plastique a-t-il sa place dans l’industrie de demain ?

Le plastique est depuis quelques années fortement critiqué pour ses effets polluants. Enfouissement, recyclage ou revalorisation énergétique, de nombreuses pistes sont étudiées pour améliorer la fin de vie de ces produits. Mais alors, est-ce encore un matériau sur lequel les industriels doivent miser pour l’avenir ?

Si le plastique est devenu l’ennemi écologique n°1, c’est parce qu’il a longtemps été considéré comme la matière du « tout jetable ». Pailles, gobelets, rasoirs, jouets, emballages, on le trouvait absolument partout ! Bien que ces excès soient aujourd’hui constatés par les consommateurs et les industriels, de nombreuses idées reçues sur le plastique participent aussi à lui donner mauvaise presse…

Les amalgames du plastic bashing

En 2020, l’enquête publiée dans l’Atlas du Plastique révélait que nous avons produit plus de plastique depuis l’an 2000 que durant les 50 années précédentes. Bien sûr, « on ne peut pas nier que la fin de vie des matériaux plastique ait été bien pensée et même réfléchie à l’origine. Néanmoins, en termes de pollution ou de consommation énergétique, ils ne représentent que très peu de choses », explique Michel Bouquey, Maître de conférences à l’Institut Charles Sadron et co-signataire de la tribune « Pollution : arrêtons de faire la guerre aux plastiques ».

La problématique principale de cette matière ne réside pas dans sa production, mais bien dans son traitement en fin de vie. Selon l’ONU, près de 320 millions de tonnes de plastique sont produites dans le monde chaque année et 8 millions de tonnes finissent dans les océans. « Malheureusement, ce n’est pas du ressort des matériaux, mais des comportements humains. On jette des emballages par terre alors qu’ils devraient simplement être jetés à la poubelle », indique le Maître de conférences.

S’il faut réfléchir urgemment pour organiser des chaînes de recyclage ou de revalorisation de la matière en France, le plastique constitue, aujourd’hui encore, un matériau essentiel pour de nombreuses industries. « Autant nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut faire attention, autant le discours extrémiste du plastic bashing qui dit qu’il faut totalement arrêter de produire du plastique n’a vraiment pas de sens du point de vue économique ». De plus, au regard des chiffres, « l’impact environnemental le plus fort est causé par le gaspillage alimentaire et non pas par le développement du plastique », commente Michel Bouquey.

Le plastique, c’est fantastique ?

Au contraire, ses propriétés permettent depuis longtemps de limiter ce gaspillage. En effet, l’utilisation du plastique dans l’industrie agro-alimentaire a révolutionné la conservation longue durée des aliments. « C’est un matériau très intéressant qui a permis de répondre à des problématiques de consommation et de développement commercial à l’échelle internationale », énonce Jérôme d’Assigny, Directeur Régional de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie Auvergne-Rhône-Alpes. Le plastique est aussi pointé du doigt par rapport à sa matière première. Pourtant, « la part réservée aux matériaux plastiques issus du pétrole ne correspond qu’à 8 % de la quantité extraite du sol chaque année », affirme Michel Bouquey. De plus, les pièces en plastique utilisées de manière croissante dans l’industrie automobile permettent de concevoir des véhicules plus légers qui consomment moins. Ainsi, à son échelle, « le plastique contribue à reculer le pic de production du pétrole qui est une ressource épuisable », confirme-t-il.

Cette souplesse et cette adaptabilité des matériaux plastiques conduisent naturellement les industriels à s’interroger sur leur utilisation dans le futur. S’il faut encore instaurer une logistique plus éco-responsable dans leur production et dans leur recyclage, « leurs propriétés physico-mécaniques sont facilement modifiables. Nous pouvons y ajouter des additifs ou des renforts, les mélanger et les greffer pour obtenir des milliers de matériaux différents adaptables à tout type de situation », informe Gilles Régnier, Professeur aux Arts et Métiers Sciences et Technologies.

Un pilier pour l’industrie de demain

La pollution plastique est un enjeu collectif qui concerne tous les acteurs de la chaîne, depuis le producteur, jusqu’au distributeur, mais également les industriels, les transformateurs et les consommateurs. Depuis juillet 2021, le décret « flux 7 » oblige tous les producteurs et détenteurs de déchets à assurer le tri et permettre une collecte séparée des déchets entre eux, y compris du plastique. Une tâche complexe, car chaque objet est souvent composé de 200 à 300 composants plastiques différents dont il est difficile de connaître toutes les propriétés pour le recycler correctement.

La prise de conscience sur la nécessité de trouver rapidement d’autres solutions s’opère, à tel point que toute l’industrie du plastique, mais aussi celle du traitement des déchets, travaillent activement sur le sujet. L’entreprise MC Plast basée à Nantes, produit du plastique biosourcé et compostable ou du plastique recyclé. « L’industrie maraîchère, par exemple, utilise nos clips conçus spécialement pour se décomposer et être jetés avec le compost », explique Hilaire Coutansais, associé de MC Plast. Sur les chantiers, on trouve aussi des cales de menuiseries fabriquées à partir de matière biosourcée. « Une fois les travaux achevés, nous organisons des collectes de ces pièces pour les broyer et les réinjecter dans le circuit de production ».

Établir un lien entre la fabrication, l’utilisation future et le cycle de vie du produit en plastique doit être systématique. « Cela s’appelle l’éco-conception et permet dans certains cas d’imaginer des systèmes d’économie de la fonctionnalité. On ne vend alors plus le produit ou l’emballage, mais plutôt l’usage », détaille Jérôme Assigny, Directeur régional de l’ADEME. Si le tri est répandu chez les particuliers, il doit être renforcé par de nouvelles filières plus efficaces chez les professionnels et dans l’industrie. Enfin, l’incorporation de la matière plastique recyclée dans un nouveau cycle de production ou dans une chaîne de revalorisation énergétique est déjà possible. « Il faut l’expliquer, le dire et le montrer. En faisant cela, nous participons à faire un récit positif de la transition écologique. Ce sont déjà des solutions de demain ! ».

Toutes les citations présentes dans cet article sont issues de cette conférence organisée lors de Global Industrie 2021 à Lyon.