Les micro-machines prêtent à révolutionner l’usinage

Fabriquer des petites séries, se rapprocher du consommateur, produire du sur-mesure, innover plus vite... Nées au Japon, les micro-machines répondent à bien des attentes des industriels, en quête d'agilité et soucieux de limiter leur empreinte environnementale. Décryptage avec Alain Auffret, directeur technique de Pracartis et créateur du mini centre d’usinage Précibot.

La course à la productivité des machines-outils a conduit à la construction de machines de plus en plus imposantes et de plus en plus complexes avec d’innombrables fonctions. Des investissements importants qui nécessitent de gros volumes de commandes. Mais au cours des dix dernières années, des machines avec moins de fonctions (un choix délibéré du fabricant) et plus compactes sont également apparues sur le marché, notamment en Asie.

Au Japon, certaines micro-machines, constituant une micro-usine, peuvent tenir sur une table de 2m x 1m. Elles sont capables de réaliser de l’usinage, des traitements de surface, du contrôle dimensionnel pour des petites pièces en petite série. Si les PME japonaises n’ont pas réussi à s’entendre pour trouver des partenaires permettant de les développer à l’échelle mondiale, l’idée a fait son chemin, notamment en Europe.

Précibot, mini centre d’usinage de très haute précision

Née en 2015 dans le cadre d’EcoSwissMade, l’un des six programmes thématiques du domaine Ingénierie et Architecture de la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), la fraiseuse 5 axes micro⁵ – à peine plus grande qu’une machine à café – a été pensée pour usiner un cube de 50 mm d’arête en consommant un minimum d’énergie, cela sans perte de qualité d’usinage. Tout en aluminium et en carbone, Précibot (précision et robot) est quant à lui un mini centre d’usinage 3 ou 5 axes capable d’assurer une très haute précision (3μ) malgré un poids (moins de 100 kg) et des dimensions très faibles (environ 1m³).

« Nous sommes précurseurs en France en termes de mini-centre d’usinage, affirme Alain Auffret. Il existe en effet en Europe également la micro⁵. Les deux idées sont venues quasiment au même moment avec l’idée de réduire les masses en mouvement dans les deux cas. Eux ont choisi une solution à vis à billes et nous à moteurs linéairessurdimensionnés. Il existait déjà des micro-machines auparavant, mais elles n’avançaient pas aussi vite que les nôtres. Là, on est vraiment dans le domaine de l’usinage grande vitesse. »

Précibot, récompensé par un GI Awards lors du salon Global Industrie en mars 2022, connaît deux applications. Dans sa version portable, sa légèreté lui permet d’être porté par un bras robotique avant de s’accrocher sur un outillage afin de réaliser de l’usinage grande vitesse (UGV) lors d’opérations de haute précision (grand choix de broches en option en fonction des applications, avec des vitesses de rotation entre 20 000 et 80 000 tours par minute). Il peut ainsi être utilisé sur des pièces de grandes dimensions difficilement transportables à l’image d’une maintenance réalisée sur des parties d’avions endommagées, des réparations de centrales nucléaires ou bien encore des opérations d’assemblage sur un sous-marin ou un bateau.

Une consommation d’énergie dix fois inférieure à une machine conventionnelle

Précibot peut également devenir un mini centre d’usinage innovant de haute précision pour des applications dans l’horlogerie, la micromécanique, le médical, l’optique ou encore le dentaire. Il est alors proposé en version 5 axes avec 2 tables rotatives inclinables. Conçu à Peillonnex (Haute-Savoie) dans les locaux de l’entreprise Precise France (groupe Pracartis), il usine à sec à très grande vitesse tout en consommant très peu d’énergie. Sa fabrication, son utilisation et son recyclage permettent ainsi de diviser par dix le CO₂ émis par rapport à une machine outils traditionnelle.

Les micro-machines suscitent de plus en plus l’intérêt alors que les prix de l’énergie flambent. Sans perte de qualité d’usinage (bien au contraire), la miniaturisation des équipements de production est en effet gage de haute précision, de faible consommation énergétique, de souplesse d’utilisation et de diminution de l’encombrement au sein des ateliers de production. « Pour réduire encore davantage la consommation d’énergie, nous avons supprimé le système de refroidissement et éliminé les huiles de coupe, détaille Alain Auffret. On voudrait même aller jusqu’à supprimer l’air pour avoir une machine 100 % électrique. »

Pour le moment en phase d’essais clients sur des prototypes, Précibot devrait être commercialisé dans les mois à venir. « On veut être sûr que notre solution est fiable avant de la proposer sur le marché, il ne nous manque pas grand-chose, précise-t-il. Notre première cible, ce sont les industriels qui réfléchissent à réduire leurs consommations d’énergie ainsi que leurs surfaces au sol. Nous avons des projets dans l’éolien, le nucléaire, l’horlogerie… » Chef-d’œuvre de technologie, cette solution aux multiples usages pourrait, dans un avenir proche, révolutionner le domaine de l’usinage.

© Alexandre CHAMBET – PRACARTIS Groupe