Avec la robotisation, relocalisation et compétitivité sont à la clé

« La cobotique répond à des enjeux de flexibilisation très forts » 

Avec un riche parcours professionnel derrière elle, Jade Le Maître est devenue, en mars 2022, directrice générale du centre de ressource technologique vendéen Proxinnov. Cette structure, unique dans le paysage robotique français, permet aux entreprises d’expérimenter les capacités des robots de dernières générations en vue d’une intégration dans leurs projets industriels. Liens avec l’emploi, secteurs concernés… Jade Le Maître décrypte les forces de ce secteur en pleine croissance.  

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ? 

J'ai commencé ma carrière dans l'industrie automobile allemande puis j'ai fait une incursion dans la recherche avec un projet autour de la collaboration humain-robot. J'ai toujours su que je voulais monter ma propre entreprise. J'ai donc voulu ajouter plusieurs cordes à mon arc en me tournant vers la communication scientifique et l’événementiel. Puis j’ai monté avec un associé une entreprise de robotique de service en 2016 nommée Hease Robotics. Mi-2019, l'aventure s'est arrêtée en raison d’un incendie qui a détruit l'ensemble des locaux. J'ai alors rebondi dans une société de service en tant que directrice Emerging technologies (IA, cloud et objets connectés). Puis l’aventure Proxinnov a débuté. 

Pouvez-vous présenter Proxinnov ? 

Proxinnov a une double casquette. Avec celle de cluster, nous animons la filière de la robotique industrielle sans parti pris. Proxinnov a été créé pour accompagner les TPE et les PME dans leur robotisation. La robotisation est là pour aider à la relocalisation et à la compétitivité de l'industrie française. Nous avons aussi une casquette de centre de ressource technologique. Avec nos équipes et notre usine pilote de 1000 m², qui dispose d’une dizaine de cellules robotiques différentes, nous accompagnons les industriels dans la voie de la robotisation. Ces industriels, TPE et PME, ont des problématiques de flexibilité et de production qui ne sont pas facilement adressables par la robotique traditionnelle. Nous proposons donc des solutions pragmatiques avec un ROI rapide pour qu’ils puissent tirer parti des technologies robotiques afin d’être plus compétitifs.  

Robotique et emploi sont-ils conciliables selon vous ? 

C'est un grand oui. On nous pose souvent cette question. Le problème des industriels, c’est le recrutement. La robotisation, c'est leur réponse pour pouvoir continuer à exister. D’ailleurs, les industriels que nous accompagnons sont créateurs d’emplois. Souvent, ils nous demandent : comment faire monter en compétences mes opérateurs ? Comment les valoriser ? J’ai l’exemple d’un industriel leader dans le bâtiment modulable qui avait une problématique au niveau du soudage. Son soudeur était chargé de souder d'énormes cadres métalliques, une tâche chronophage et contraignante. Désormais, il supervise deux robots et intervient uniquement lorsque son expertise est requise. Il a gagné en compétences, effectue des tâches moins pénibles physiquement et son entreprise est plus productive. De plus, l'installation de ces robots a mobilisé une main d'œuvre variée : un intégrateur, le fournisseur des équipements, l'équipe de maintenance, sans oublier le formateur du soudeur. Lorsque vous introduisez un robot dans une usine, vous nourrissez tout un écosystème. 

La robotique connaît une croissance permanente. Dans quels secteurs va-t-on assister à une nouvelle robotisation ? 

La robotique va connaître une plus forte croissance encore dans les années à venir. L'ensemble de l’écosystème se rend compte de la nécessité d'avoir une industrie performante, propre, durable et souveraine. La pénurie de recrutement et le besoin de relocaliser sont deux grandes tendances qui vont continuer à alimenter le boom du marché de la robotique en France. Et dans cet élan, le segment en plus forte croissance – entre 15 et 30 % selon les analyses –, est la cobotique. Avec sa facilité de prise en main, d'installation et de reparamétrage, la cobotique répond à des enjeux de flexibilisation très forts.Elle mixe le meilleur des technologies robotiques avec le meilleur des technologies modernes d'interactions humain-machine. Les interfaces sont ergonomiques et plus attractives pour la jeune génération. La facilité de prise en main est l’un des grands avantages de cette technologie qui intègre également tous les éléments de sécurité.  

 
Certains secteurs sont-ils plus demandeurs que d’autres ? 

Oui, l'électronique notamment, qui est en plein boom et qui bénéficie d'un grand plan national. Mais l'application phare du cobot à l'heure actuelle, c'est le palettiseur, c’est-à-dire le regroupement d’une marchandise sur une palette. Sur un salon comme Global Industrie, vous en voyez partout. Historiquement, cela existait dans des secteurs avec une cadence et des séries importantes. Mais aujourd’hui, grâce aux cobots, des plus petites entreprises, qui doivent changer d'une journée sur l'autre leur plan de palettisation, peuvent accéder à ce type d'outils. C’est un énorme marché qui s’ouvre car, en France, 90 % du tissu industriel est constitué de PME et TPE.  

Vous avez présenté récemment une ligne d'assemblage de démonstration. Pouvez-vous nous en dire plus ?  

C'est une ligne qui démontre notre expertise d'intégration et de prise en main de technologies modernes de robotique. Elle intègre des robots collaboratifs de marques différentes – car Proxinnov se veut neutre et tiers de confiance – tous choisis parce qu'ils ont ce petit plus qui les rend très performant pour la tâche demandée. C’est une ligne que l'on utilise en interne pour des formations auprès d’industriels ou d’étudiants. Nous la proposons aussi aux établissements d'enseignement supérieur avec lesquels nous sommes partenaires. C'est une ligne d’acculturation et non de production, même si elle assemble un petit pack de goodies donné aux visiteurs. Nous travaillons actuellement à la rendre plus facilement déplaçable, à y insérer de la remontée de données ainsi qu’une application en réalité augmentée qui permettra de visualiser des tâches de maintenance. Nous souhaitons que cette ligne soit la démonstration du meilleur de l'industrie 4.0 au service de la performance industrielle des TPE et des PME. Nous avons hâte de la présenter aux visiteurs des salons Global Industrie.