Innover, encore et toujours !

L’innovation est un processus indispensable dans toute entreprise quelle que soit sa taille. Innovation produit, organisationnelle, de service, de rupture ou environnementale… l’innovation peut prendre des formes diverses. Mais elle ne se décide pas sans un travail en profondeur sur les activités de son entreprise et sans prendre des précautions préalables. André Montaud, ancien directeur de Thésame, centre expert des métiers de l’innovation, nous en dit plus.

Est-ce qu’aujourd'hui, une entreprise, qui plus est dans le secteur industriel, peut survivre sans innover ?

La réponse n’est pas simple, car chacun a une vision personnelle de l’innovation. On n’attend pas le même type d'innovation d'une entreprise orientée sur de la capacité – on va alors aller plutôt sur de l'innovation organisationnelle et de l'innovation de production – d’une entreprise orientée produit ou sous-ensemble qui, elle, sera plutôt sur de l'innovation technologique. Donc oui, les entreprises doivent innover, mais pas toutes de la même manière.

Quelles sont les différentes manières d'innover pour une entreprise ?

Dans l'imaginaire général, on associe souvent l’innovation à de l'innovation technologique, et même à de l'innovation digitale. On dit du salon de Las Vegas, le Consumer Electronics Show (CES), que c'est le salon de l'innovation. Mais il regroupe en fait essentiellement des innovations numériques. L’innovation est beaucoup plus large et de plusieurs types :

·       L’innovation produit : comment intégrer de nouvelles technologies dans un produit pour lui apporter d'autres fonctions. Dans le secteur industriel, cela consiste par exemple à ajouter de l'électronique ou de la connexion numérique dans un produit mécanique.

·       L’innovation de production (souvent liée à l’innovation organisationnelle) : comment modifier des lignes de production pour répondre à des demandes fluctuantes. Cette innovation tourne autour des nouvelles méthodes post-Lean (recherche de performance grâce à l'amélioration continue et à l'élimination des gaspillages), d'agilité d'entreprise, de reconfiguration d'équipes. Dans l’industrie, c’est par exemple l’apparition de chaînes automatisées ou de la cobotique qui est une robotique facilitant la reprogrammation rapide de produits.

·       L’innovation de service : comment ne plus vendre un produit en tant que tel, mais vendre le service apporté par ce produit (vente d’heures machines, maintenance prédictive…).

Les cibles de l'innovation, sont autant les produits que les hommes et les services. A ces trois grands secteurs de l’innovation, on peut ajouter l'innovation environnementale qui se développe fortement. Celle-ci est liée au coût de l'énergie, mais aussi à une demande sociétale de réduction des impacts environnementaux. Aujourd'hui, il faut repenser le produit non pas uniquement pour son usage, mais aussi pour que son coût de fonctionnement soit le plus faible possible, en termes énergétique et d’impact sur l’environnement.

Et quid de l’innovation de rupture (ou disruptive) ?

On peut l’appliquer à l’ensemble des autres innovations. Concrètement, une innovation de rupture consisterait à passer d'un produit mécanique à un produit mécatronique, d'une organisation en chaîne à une organisation en îlot, d'un service classique à un service par activité…

Quelles sont les précautions préalables à prendre avant d'innover ?

La première, c'est d'avoir des réserves financières, de la trésorerie. Quand j'ai monté Thésame, notre stratégie d’accompagnement des entreprises a été de penser immédiatement une méthode d’innovation pyramidale : permettre aux entreprises d'innover en les accompagnant d'abord sur de l'innovation organisationnelle. Pourquoi ? Parce que le retour sur investissement de l'innovation organisationnelle est très rapide et permet de dégager des ressources financières pour attaquer ensuite l’innovation technologique et numérique. Ensuite, il faut que l'entreprise accepte de « sortir du cadre », de sa zone de confort. J’aime à dire qu’un bon innovateur est celui qui est capable de désobéir à sa hiérarchie. Si l’on se cantonne aux process classiques, on est dans l'innovation d'amélioration, loin de l'innovation de rupture. La force d’une entreprise réside dans sa capacité à aller là où on ne l'attend pas. Ce sont des prérequis culturels : laisser ses innovateurs sortir des procédures classiques et avoir un « sponsor » dans la direction générale.

Voyez-vous d’autres prérequis ?

Il faut constamment être en veille sur les signaux faibles envoyés par les clients, les évolutions de la société, les technologies émergentes dans d'autres secteurs d’activité. Il faut aussi des collaborateurs qui ne soient pas dans le « moule ». Les entreprises initiatrices d’innovations de rupture sont celles qui ont des collaborateurs qui ne correspondent pas au profil classique, des gens curieux, qui acceptent de se mettre en danger.

Auriez-vous un exemple concret de stratégie d’entreprise complètement revue au profit d’innovations réalisées avec succès ?

Oui, je citerai l’exemple d’EFI Automotive avec son incubateur de start-up interne AXANDUS. L’objectif d’AXANDUS est d’accélérer le développement d’entreprises innovantes et de start-ups, de la conception à l’industrialisation, en passant par les achats, le business développement, pour leur permettre d’atteindre une position concurrentielle forte sur leur marché. Dans le cadre d’AXANDUS, EFI Automotive a ainsi développé, pour son partenaire Stellantis, un robot chargeur à induction sans fil pour véhicules électriques qui a été présenté cette année au CES. C'est une véritable innovation de rupture, car le robot est capable de recharger la voiture sans aucune action de l’utilisateur. On est dans de l'agilité : être capable d'aller excessivement vite entre l'idée et le produit. Par le biais d’AXANDUS, EFI Automotive représente parfaitement l’exemple d'une entreprise qui a tout compris à ce que devait être l'innovation de demain.